"Le Cinématographe", paroles de Boris Vian, musique de Jimmy Walter ( 1956)
Quand j'avais six ans
La première fois
Que papa m'emm'na au cinéma
Moi je trouvais ça
Plus palpitant que n'importe quoi
Y avait sur l'écran
Des drôl's de gars
Des moustachus
Des fiers à bras
Des qui s'entretuent
Chaqu' fois qu'ils trouvent
Un cheveu dans l'plat
Un piano jouait des choses d'atmosphère
Guillaum' Tell ou l'grand air du Trouvère
Et tout le public
En frémissant
Se passionnait pour ces braves gens
Ça coûtait pas cher
On en avait pour ses trois francs
Belle, belle, belle, belle, belle comm' l'amour
Blonde, blonde, blonde, blonde, blonde comm' le jour
Un rêve est passé sur l'écran
Et dans la salle obscurément
Les mains se cherchent, les mains se trouv'nt
Timidement
Belle, belle, belle, belle la revoilà
Et dans la salle plus d'un cœur bat
La voiture où elle se croit en sûr'té
Vient de s'écraser par terre
Avec un essieu cassé
Le bandit va pouvoir mettr' la main
Sur le fric, c'est tragique
Non d'un chien
C'est fini, tout s'allume
A mercredi prochain
Maintenant ce n'est
Plus mon papa
Qui peut m'emmener au cinéma
Car il plante ses choux
Là-bas pas loin de Saint Cucufa
Mais j'ai rencontré une Dalila
Un' drôle de môme, une fille comme ça
Elle ador' aller le mercredi
Dans les cinémas
Bien sûr c'est dev'nu l'cinémascope
Mais ça r'mue toujours et ça galope
Et ça reste encor' comme autrefois
Rempli d'cov'boill's sans foi ni loi
Et de justiciers qui vienn'nt fourrer
Leur grand pied dans l'plat
Gare, gare, gare, gare, Gary Cooper
S'approche du ravin d'enfer
Fais attention pauvre crétin
Car Alan Ladd n'est pas très loin
A cinq cents mètres il log' un' balle
Dans un croûton d'pain
Gare, gare, gare, gare, pendant c'temps-là
J'l'a prends doucement au creux de mon bras
Le fauteuil où elle se croit en sûr'té
Ne m'empêche pas ma foi d'arriver
A l'embrasser
J'ai pas vu si Gary sort gagnant
Mais comm' c'est l'cinéma permanent
Ma chérie rappell' toi on est resté un an
Et on a eu beaucoup d'enfants.