05/05/2017

La belle Finlandaise

Pendant mon service militaire j'avais été sélectionné pour faire partie de la garde au drapeau du régiment. Revêtu de la tenue n°1, avec guêtres, ceinturon et gants mousquetaire blancs, j'étais donc de tous les défilés et prises d'armes de l'époque à Paris et au Mont-Valérien.
Le drapeau était porté par un officier subalterne, lieutenant ou sous-lieutenant, encadré par un sergent, mon copain Alain Bénéjean, et par moi-même. Trois hommes de troupe formaient le second rang.


Le 24 octobre 1962, le Général de Gaulle recevait le président finlandais Urho Kekkonen. Ce jour-là, nous présentions les armes aux deux chefs d’État qui allaient raviver la flamme sur la tombe du Soldat Inconnu, sous l'Arc de Triomphe.


Entre deux "garde-à-vous", je me suis retourné vers les nombreux badauds qui faisaient le pied de grue derrière nous, le long du trottoir des Champs-Élysées. Mes yeux se sont alors posés sur le visage d'une jeune fille blonde qui se tenait là, au premier rang. Elle ressemblait à Petula Clark, la petite Anglaise devenue une grande vedette de la chanson francophone.


La demoiselle rencontra mon regard et m'adressa un joli sourire. Lorsque j'eus l'occasion de pouvoir à nouveau me retourner, je plantai mes yeux dans les siens et, posant ma main gantée contre mon oreille, fis mine de lui donner un coup de fil. Ayant illico saisi mon message, elle ouvrit fébrilement son sac à main pour en tirer un petit bout de papier sur lequel elle griffonna un numéro de téléphone. Elle attendit ensuite que les militaires se préparent à quitter les lieux pour regagner leurs véhicules garés dans une rue perpendiculaire. S'approchant alors discrètement de moi, elle me glissa son petit mot dans la main avant de s'esquiver furtivement sur la pointe des pieds.
Je lui téléphonai le soir même de la caserne. Elle me dit avec un délicieux accent qu'elle s'appelait Terttu Suni et qu'elle était Finlandaise, d'où sa présence sur les Champs-Élysées pour voir son président. Venue quelques mois plus tôt à Paris comme jeune fille au pair dans une riche famille juive de l'avenue Victor Hugo, elle s'occupait des enfants tout en perfectionnant son français.




Notre amourette dura trois mois. Et puis Terttu décida subitement et sans aucune explication de retourner dans sa Finlande natale.
Je ne l'ai plus jamais revue. Bien plus tard, j'apprendrai qu'elle avait formé un duo avec une amie finlandaise et écrit des chansons, entre autres "Märkää Asfalttia", l'un des succès de Tamara Lund, avant de se lancer dans les affaires...

















Adieu bye bye, ma belle Finlandaise !