08/05/2017

Souvenirs de Fort-Lamy


L'Afrique avait longtemps été pour moi une surimpression d'images accumulées dans mes lectures d'enfance avec des pygmées, de farouches guerriers armés de sagaies, des cannibales faisant cuire des explorateurs blancs dans d'immenses marmites, des négresses à plateaux, des villages de paillotes, des rois nègres...


... et des paysages de forêts ou de savanes peuplées d'animaux sauvages, lions, panthères, buffles, girafes, antilopes, éléphants...


Je n'ai rien retrouvé de tout cela lorsque j'ai pris pour la première fois contact avec le continent africain, à Fort-Lamy, ainsi que se nommait alors la capitale du Tchad. C'était en janvier 1964. J'avais quitté la veille l'aéroport du Bourget par - 6° et à l’atterrissage, il faisait 28° à cinq heures du matin.




Dans l'aérogare, sous le portrait du président François Tombalbaye au visage boursouflé de scarifications tribales, un policier avait tamponné avec un sourire bienveillant une page de mon passeport tout neuf.


François Tombalbaye

En dépit de l'heure matinale, des enfants déguenillés, des porteurs tout aussi loqueteux, des chauffeurs de taxi, des mendiants, des estropiés, des désœuvrés, toute une foule hétéroclite attendait dans une incroyable cacophonie. Il y avait ceux qui voulaient porter vos bagages, ceux qui voulaient conduire en ville les passagers de l'avion et ceux, les plus nombreux, qui n'étaient là que pour tenter de récolter une pièce de monnaie. Un "matabiche".
J'avais pris un taxi pour me rendre à l'hôtel du Chari, de la chaîne des Relais Aériens Français, où une chambre m'avait été réservée.
 
Fort-Lamy - Hôtel du Chari


A la sortie de l'aéroport, on passait sous une arche souhaitant la bienvenue à Fort-Lamy,...


... puis c'était, sur quelques kilomètres, un paysage plat et désolé, semé de buissons rabougris d'épineux et d'herbes rares et jaunies.
Le chauffeur était souvent obligé de ralentir quand il croisait des cortèges de femmes au corps paré de pagnes multicolores. Elles cheminaient en direction du marché, une calebasse, une jarre ou une cuvette en métal émaillé sur la tête.






Fort-Lamy - Le marché


Je me souviens de mes premiers contacts avec les maisons d'importations, SCOA, CFAO, SHO, France-Congo, Cattin, Abtour, Mahamat Faddoul...

Vue aérienne des magasins Abtour


















Cathédrale de Fort-Lamy









Je me souviens de la nuit qui tombait à dix-huit heures et de longues soirées à siroter du whisky à l'eau plate dans le bar de Bernadette Pinson, à côté de la station Texaco... 

Le guépard de Bernadette Pinson


Je me souviens de balades en pirogue sur le Chari pour aller à la rencontre des Bananas, au Cameroun sur l'autre rive du fleuve, ou pour aller taquiner les hippopotames...















Et je me souviens qu'il faisait chaud. Très chaud !
Mais je garde de bons souvenirs de Fort-Lamy.

Adieu Fort-Lamy ! (La ville sera d'ailleurs rebaptisée N'Djamena en 1973)




***



Commentaires :
- Bonjour monsieur, je suis un journaliste aux Etats-Unis et je fais de la recherche sur le Tchad et la famille Abtour en particulier. J'ai lu un extrait de votre livre Escales Africaines le concernant et j'aimerais savoir plus. Merci, Will Fitzgibbon, le 5 mai 2018
- Bonjour monsieur Fitzgibbon, et merci pour votre visite sur mon blog En ce qui concerne Georges Abtour, je n'ai pas grand chose à ajouter à ce que j'ai écrit à son sujet en page 18 de mes "Escales africaines", d'autant plus que mes souvenirs datent de plus de 50 ans. Georges Abtour était l'un de mes clients de Fort-Lamy. C'était un petit bonhomme moustachu un peu fanfaron, se vantant volontiers de ses bonnes relations avec la présidence de l'époque. Il avait en permanence un cigare au bec, l'un de ces longs "Duet" de Schimmelpenninck...

... que je représentais à l'époque avec le lait condensé Bonnet Rouge, le produit leader sur le marché africain en ce temps-là. Il avait parfois tendance à retarder le règlement de ses factures... Désolé, cher monsieur, de ne pas pouvoir vous en dire davantage. Cordialement vôtre, FS