28/05/2017

Une Mère Polonaise


Ma mère est née le 1er juin 1906 en Pologne alors sous domination autrichienne, à Dulcza Mała, petit village situé entre Tarnow et Mielec dans le palatinat de Cracovie. Elle y a vécu jusqu'à son départ pour la France en 1928.


Elle avait quatre frères dont le plus jeune s'appelait Franek (François). C'était son préféré, d'où peut-être la raison du choix de mon prénom...
Je ne sais pas grand chose de ses parents, si ce n'est qu'elle avait adoré sa grand-mère qui aurait vécu jusqu'à l'âge de cent ans. Quant à sa mère, elle avait dû être veuve et remariée puisque son fils aîné (mon oncle et parrain) s'appelait Szach tandis que le nom de famille des autres frères de maman ainsi que son nom de jeune fille était Ostręga.

Maman était allé à l'école de Radomyśl Wielki, le gros bourg voisin,...



... mais si j'ai bien compris, elle avait souvent fait l'école buissonnière et fréquenté des tziganes du coin qui lui auraient enseigné, entre autres, à lire l'avenir dans les cartes. 

Il y avait beaucoup de zones d'ombres dans l'histoire de sa jeunesse et elle parlait difficilement de sa venue en France en 1928...


... et je n'ai jamais su pourquoi ni comment elle était arrivée à Brain-sur-Allonnes, ville du Maine et Loire dans l'arrondissement de Saumur. Mais je suppose que ce n'était pas pour mener la vie de château à la Coutancière où l'on dit que la comtesse de Montsoreau aimait jadis recevoir la noblesse d'Anjou et de Touraine.


Je ne sais pas plus comment elle s'est ensuite retrouvée en proche banlieue parisienne où elle a rencontré puis épousé celui qui sera mon père.


Veuve à moins de quarante ans, maman a élevé seule trois garçons pas toujours faciles. 
C'était une femme autoritaire, intelligente et très courageuse. A tous les sens du terme. Travailleuse infatigable, elle se levait chaque jour avant six heures du matin et allait rarement au lit avant minuit. 
Elle n'avait peur de rien et savait tout faire : jardiner, couper du bois, coudre, tricoter, raconter des histoires, inventer des dictons, tuer une poule ou un lapin qu'elle élevait dans son poulailler...
Excellente cuisinière et pâtissière, elle nous faisait régulièrement des pierogi typiquement polonais, des pączki ou ces faworki qu'elle avait rebaptisés "queues en tire-bouchon".



Si elle restait assez discrète sur ses années de jeunesse, ma mère aimait toutefois parler de la guerre soviéto-polonaise de1919-1921 qui l'avait beaucoup marquée. Elle évoquait alors les incursions cosaques dans son village natal et vouait une haine farouche aux bolchéviques. 



Maman était très croyante, mais à sa manière. Elle n'allait pratiquement qu'à la messe de minuit à Noël. Elle m'a toutefois demandé deux ou trois fois de l'accompagner à l'église polonaise de Paris, située à l'angle de la rue Saint-Honoré et de la rue Cambon. 

L'église polonaise de Paris

Et à la fin de la messe, lorsque tous les fidèles entonnaient "Boże, coś Polskę", chanson patriotique catholique polonaise, je la voyais essuyer ses joues inondées de larmes. 



A la maison, je l'ai toujours entendue chanter, comme pour se donner du courage. Tout particulièrement cette autre chanson patriotique composée en 1914 par un certain Feliks Gwizdz du "4° Pulku Legionow Polskich", qui lui rappelait manifestement des souvenirs de jeunesse : 

 
"Przybyli ułani pod okienko" est par ailleurs le titre d'un tableau (huile sur toile, 50x40cm) de Jerzy Kossak où l'on voit une isba ressemblant à celles de Dulcza Mała à l'époque où ma mère y vivait...








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Maman à Brétigny


Maman à Carrières


Une grand-mère heureuse avec Sonia et Stanislas, les deux seuls petits-enfants qu'elle a connus


Tombée gravement malade à la fin de l'année 1962, maman a été hospitalisée et n'est jamais revenue à la maison.
Je n'avais pas encore terminé mon service militaire.

Photo prise en 1960


Spoczywaj w spokoju, Matka.