17/04/2017

VéloSolex

Au début des années 50, ma mère en eut assez de pédaler péniblement sur sa vieille bicyclette pour grimper la côte de la rue Marcelin Berthelot en se rendant tous les matins à son travail.  Ayant vu en vitrine du marchand de cycles du pont de Chatou le fameux vélo Solex et alléchée par la publicité, elle succomba à la tentation de s'offrir un de ces engins, le modèle "45cc", dont le moteur placé à l'avant entraînait la roue au moyen d'un galet.



Elle m'en fera cadeau quelques années plus tard, en récompense pour mes résultats aux certificats d'études primaire et complémentaire. Elle s’achètera alors le dernier modèle de chez Solex qui valait pourtant une petite fortune à l'époque.













Je me suis inspiré du Solex de ma mère dans ce passage de mon roman "La Lyonnaise de Madagascar" publié en 2007 : 
"... Sa mère put bientôt se payer un superbe Vélosolex en remplacement de son vieux clou avec lequel elle se rendait jusqu'alors à l'usine. Même s'il lui fallait parfois venir en aide au moteur et pédaler encore dans les côtes, il lui était à présent moins pénible de grimper le cours Général Giraud pour atteindre le boulevard de la Croix-Rousse et le Plateau." 



Mais l'engin était finalement assez dangereux, surtout sur route mouillée, et des accidents pouvaient être fatals, comme dans ces autres extraits de mon roman :

… elle découvrit sa mère allongée sur le canapé de la salle à manger, avec la tête adornée d’un gros pansement en forme de turban. 
- Qu’est-ce qu’il t’est arrivé, m’man ? 
La mère de Simone s’efforça d’esquisser un sourire : 
- J’ai fait une chute sur l’pont d’la Boucle en rev’nant d’l’usine. J’ai l’crâne un peu amoché. Mais rien d’bien grave. 
- Tu as fait venir le docteur Preux ? 
- Bien sûr. Il ne m’a même pas donné d’arrêt d’travail. Tu vois bien qu’c’est un p’tit bobo d’rien du tout. 
- Et ton Solex ? 
- Il a juste la roue avant qu’est un peu voilée. Faudra la porter au mécano…
… Quelques jours plus tard la mère de Simone se plaignit à nouveau de terribles maux de tête que l’eau de Lourdes pas plus que les cachets d’aspirine ne parvenaient à calmer. 
- C'est une céphalalgie interne, diagnostiqua le docteur Preux. Je vais vous prescrire de nouveaux analgésiques qui devraient vous soulager. 
Lorsque Simone raccompagna le médecin jusqu’à la porte d’entrée, elle remarqua qu’une ride profonde s’était creusée au-dessus de son nez chaussé de lunettes à monture d’écaille. Son inquiétude monta d’un cran. 
- C’est grave docteur ? 
- Tu veilleras à ce que ta maman prenne bien ses médicaments, lui dit-il. Si ça ne va pas mieux, il faudra l’envoyer à l’hôpital pour un examen approfondi.
… Peu avant Noël, les maux de tête de madame Verger ayant repris de plus belle, le docteur Preux la fit admettre d’urgence à l’hôpital où il avait lui-même exercé les fonctions d’interne à ses débuts. 
Simone gardait un abominable souvenir de son seul et unique passage dans un hôpital. C’était pour se faire opérer, sans la moindre anesthésie, des amygdales et des végétations. Elle devait avoir sept ou huit ans. Ça l’avait tellement traumatisée qu’elle s’était jurée de ne plus jamais remettre les pieds dans ce genre d’établissement. 
Et voilà qu’elle devait y revenir pour rendre visite à sa mère hospitalisée depuis trois jours. 
On n’avait pas voulu qu’elle vienne plus tôt… 
… Après avoir vainement cherché un médecin, elle tomba sur une infirmière au visage austère et chapeautée d’une cornette de religieuse. 
- Vous êtes la fille de madame verger ? Elle a une tumeur au cerveau, annonça-t-elle d’une voix sèche, sans prendre la moindre précaution oratoire, comme si le malheur d’autrui lui procurait une immense satisfaction. Le docteur pense que ce serait consécutif à sa chute en VéloSolex…