02/04/2017

Communion

J'ai fait ma communion solennelle à l'église de Carrières-sur-Seine le dimanche 15 juin 1952 qui était par ailleurs le jour de mon anniversaire. Ce fut en quelque sorte un rite de passage marquant ma sortie de l'enfance.


Cette année-là, dans la paroisse, nous étions une quinzaine de communiants très émus et très fiers. Les filles portaient de véritables robes de mariées et les garçons étrennaient bien souvent leur premier vrai costume.


Ma mère avait invité quelques personnes à la maison à l'occasion de ma communion. Il y avait d'abord mon parrain, le frère de maman que nous appelions Wujka (se prononce "vouilleka"), nom donné en Pologne à l'oncle du côté maternel. 
C'était un très brave homme qui ressemblait un peu à Charlie Chaplin de l'époque Limelight. C'est lui qui m'a offert ma première montre-bracelet, une Longines, en cadeau de communion comme c'était alors la coutume. 
Il avait quitté la Pologne au début des années 20 et s'était installé dans une ferme à Brétigny, entre Brou et Dangeau, au bord de l'Ozanne, dans la région de Chartres. C'est là que mes parents allaient se ravitailler pendant la guerre et nous continuions à lui rendre visite de temps en temps.


Il y avait ensuite ma marraine et son mari qui habitaient à Theuville, petit bled rural de l'ancien département de Seine et Oise, près de Méru, à environ 40 km au nord-ouest de Paris. Mes parents allaient également s'y ravitailler pendant la guerre. 
Ma marraine dont le mari avait été un ami de mon père, s'appelait Stanisława Jablonska. Ces gens étaient la gentillesse personnifiée et nous allions les voir une ou deux fois par an, à bicyclette. 


Il y avait encore ceux que l'on appelait "ma tante" et "mon oncle". Ce dernier était le frère de mon père et, étant donné la distinction que l'on fait en polonais entre l'oncle maternel et l'oncle paternel, on disait plutôt stryj (se prononce "strille") en parlant de lui. Il avait été veuf trois fois, avait un fils resté en Pologne d'une première femme et une fille d'une autre épouse, prénommée Hélène qui venait de se marier avec un certain Jean Mazin, publicitaire parisien et sosie du chanteur Jean Sablon. 

Source : deces.politologue.com

La "ma tante" que j'ai connue lui avait donné deux autres filles, Monique, sensiblement plus âgée que mon frère Edmond, et Claudine qui avait deux ans de plus que moi. Elles me faisaient penser à la marâtre de Cendrillon avec ses deux chipies de filles. Ma tante affichait une attitude hautaine vis-à-vis de nous et mes deux cousines lui emboitaient le pas. Jolies, blondes avec des nattes, elles étaient toujours vêtues comme des filles de riches. Pourtant, elles vivaient dans trois pièces sans confort, sans WC ni salle de bain, en haut d'un escalier qui sentait le pipi de chat dans un vieil immeuble délabré de l'avenue Foch à Chatou...


...et leur père n'était qu'un simple ouvrier mouleur à la fonderie Cromback de Rueil-Malmaison où le mien l'avait fait embaucher lorsqu'il l'avait fait venir en France à son tour pour fuir la misère en Pologne.

Mais ce jour de ma communion reste un très bon souvenir, même si j'ai regretté l'absence de mon frère aîné qui faisait alors son service militaire en Allemagne, à Zweibrücken.