23/08/2018

Le peintre perdu ♫


Beaucoup d'admirateurs de Charles Trenet ignorent que la vocation première du "Fou chantant" avait été la peinture. 



Il expose ses premières œuvres en 1927 à Perpignan. Le "Coq Catalan", une feuille de chou locale, signale alors dans son numéro 5 "... la présence de trois toiles rutilantes de joie, de fougue et de lumière, attirant les regards et retenant l’attention à la vitrine de Parès-Tailor. Elles sont signées Charles Trenet, le plus jeune fils de notre ami Lucien Trenet, notaire à Perpignan. Nous adressons nos compliments affectueusement charmés au jeune artiste qui n’a pas encore quatorze ans et qui témoigne de dons exceptionnels et d’un tempérament remarquablement affirmé."




Ce goût de la peinture ne quittera pas de sitôt Charles Trenet. Non seulement il aimera s’offrir des tableaux de Vlaminck, Dufy, Chirico, Forain ou Utrillo (son peintre favori) dont il orne les murs de sa propriété de La Varenne, mais lui-même n’abandonnera pas les pinceaux qu’il reprend chaque fois que l’occasion s’en présente. 






En 1945, il donne à Paris, à la Galerie Delpierre, rue de la Boétie, une exposition intitulée : "Paysages de mémoire". 
 

Ce sont des sites méditerranéens, des coins de Provence, terres brûlées de soleil, golfes bleus, collines hérissées de cyprès sombres.
A propos de ces "Paysages de mémoire", Charles Trenet aimait raconter cette anecdote : Un jour, une dame qui visitait l'exposition s'est extasiée : "Ah! monsieur Trenet, j’aime beaucoup les peintures de vos Moires !" 




LE PEINTRE PERDU
Paroles et Musique: Charles Trenet
© - 1993 - Rozon

Un peintre arrive
Dans un décor
Fait d'une rive
Et d'arbres d'or
Puis il installe
Son chevalet,
Dans les pétales
De bleus bleuets
La brise est douce
Et la rivière
Accueille la mousse
Sur sa civière
Un asphodèle
Heureux comme tout
Qu'une hirondelle
Frôle son cou
Dans le plein cintre
Du champ de vision
Fait signe au peintre
Belle éclosion
 La couleur glisse
Le tableau part
Feu d'artifice
De toutes parts
Les rouges en place
Renforcent les verts
Rien ne tracasse
Le ciel désert
Où seul, peut-être
Sisley regarde
Ce bois de hêtre
Couleur moutarde
Dame nature
Se fait piéger
Dans une peinture
Privilégiée
La ressemblance
Devient si forte
Que toutes nuances
N'ont plus d'escorte
Oui, la rivière
Coule à plein flot
A sa manière
Dans le tableau
La vieille ferme
Est en relief
Elle s'enferme
Autour du bief
Alors l'artiste
Trouve que c'est bon
Et ne résiste
A faire un bond
Dans les eaux calmes
De son chef d’œuvre
Mais une palme
En forme de pieuvre
Accroche sa jambe
"Au secours ! A moi !"
Il croit qu'il flambe
Mais il se noie.
Voyez, il coule
Meurt tout au fond
Et l'eau sans houle
Devient plafond
Seul sur la rive
Un chevalet
Accueille une grive
Qui disparaît.
Là, sur la berge
Et même plus loin
La place est vierge
De tout témoin
Sauf moi sans doute
Qui avait tout vu
Sur cette route
Du temps perdu
Perdu dans l'Indre
Du souvenir
Qui pour la peindre
Faisait mourir.
Cela nous prouve
Qu'avec lenteur
L’œuvre recouvre
Son créateur