Le 17 janvier de l'an 1965, je débarquai à l'aéroport de Dakar-Yoff, première étape d’une tournée qui me ferait découvrir les territoires de l'ex-Afrique Occidentale Française, Sénégal, Côte d'Ivoire, Haute-Volta, Niger, Togo et Dahomey. Je faisais alors l'impasse sur le Mali de Modibo Keita où les Français n'étaient pas les bienvenus, et sur la Guinée de Sékou Touré pour cause de rupture de relations diplomatiques et commerciales et de la sortie du pays de la zone franc.
Il y avait là le "Ponty" un café fréquenté par une jeunesse fortunée et désœuvrée qui passait son temps devant le juke-box à écouter en boucle "The house of the rising sun", le grand succès du moment. Je n'avais encore jamais entendu cette chanson et ignorais jusqu'à l'existence de ses interprètes, The Animals. J'eus subitement l'impression d'avoir pris un coup de vieux...
J'ai été par ailleurs agréablement surpris de voir à Dakar des buildings de plus de dix étages, une ville ordonnée avec des rues tracées au cordeau.
Parmi les différences constatées, il y avait enfin la clientèle avec laquelle j'allais travailler. Si en Centrafrique et au Congo, je vendais mes produits à des importateurs Portugais, au Cameroun à des Grecs, le Sénégal était le fief des Libanais qui faisaient des affaires dans le commerce, l’import-export, le bois, les plantations, le transport, l’industrie et toutes activités lucratives.
Dans les années soixante, "libanais" était souvent synonyme de réussite sociale. Il n’était pas question d’origine ni de nationalité. C’était considéré comme un métier.
- Qu’est-ce que tu fais dans la vie ?
- Libanais…
Mais tous les natifs du pays du cèdre n’avaient pas fait fortune au Sénégal. Ainsi, à Dakar ils étaient nombreux à vivoter dans des échoppes miteuses de la rue Galandou Diouf (ex rue de Thiès). Ceux-là étaient souvent des musulmans chiites que certains ex-coloniaux affectaient de mépriser en les qualifiant de "Syriens" ou plus péjorativement de "Syraks".
Les Libanais qui avaient réussi étaient plutôt des chrétiens maronites. Ils avaient fréquemment la double, voire triple nationalité libanaise, sénégalaise et française. Certains, grâce à leur goût plusieurs fois millénaire des affaires, possédaient de solides entreprises, tels les Ets. Said Noujaim ou Nadra Filfili.
Musulmans ou maronites, gagne-petits ou parvenus, les Libano-Syriens de Dakar s'entredéchiraient souvent mais se soutenaient contre les grandes sociétés commerciales, SCOA, CFAO. Nosoco, Aredi, Séchoy ou Printania.
Lors de ce premier séjour, je suis resté un mois au Sénégal, le pays étant à l'époque le plus gros importateur de lait concentré non sucré Bonnet Rouge de toute l'Afrique francophone.
Par la suite, je reviendrai régulièrement à Dakar et logerai à N'gor où il y avait, en bordure de mer, un majestueux et ultra-moderne hôtel appartenant à la chaîne des Relais Aériens Français.
C’est encore à Dakar que j’ai entendu pour la première fois un certain Salvatore Adamo que j’avais d’abord pris pour une fille avec sa drôle de voix.
Il fallait décidément que je vienne en Afrique pour me tenir informé des nouveautés musicales...
Aérogare Dakar-Yoff, le grand hall |
Dès que j’eus franchi la porte du DC8 d'Air Afrique, descendu les marches métalliques et posé le pied sur le goudron du tarmac, je remarquai de grandes différences avec ce que je connaissais déjà de l'Afrique noire.
Ce n'était pas la même Afrique.
Pas la même lumière, pas le même ciel, pas la même touffeur, pas les mêmes senteurs. L'air qu'on respirait n'était pas le même. La population elle-même n'avait rien à voir avec celle du Tchad, de Centrafrique, du Cameroun, du Gabon et du Congo que j'avais connue l'année précédente.
Pour mon premier séjour à Dakar, une chambre m'avait été réservée à l'hôtel Atlantic, un établissement vieillot qui vous donnait l'impression d'être encore à l'époque coloniale.
L'hôtel Atlantic avait l'avantage d'être situé rue du Docteur Thèze, une rue perpendiculaire à la grande avenue William Ponty, en plein centre ville.
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Pour mon premier séjour à Dakar, une chambre m'avait été réservée à l'hôtel Atlantic, un établissement vieillot qui vous donnait l'impression d'être encore à l'époque coloniale.
L'hôtel Atlantic avait l'avantage d'être situé rue du Docteur Thèze, une rue perpendiculaire à la grande avenue William Ponty, en plein centre ville.
Il y avait là le "Ponty" un café fréquenté par une jeunesse fortunée et désœuvrée qui passait son temps devant le juke-box à écouter en boucle "The house of the rising sun", le grand succès du moment. Je n'avais encore jamais entendu cette chanson et ignorais jusqu'à l'existence de ses interprètes, The Animals. J'eus subitement l'impression d'avoir pris un coup de vieux...
Le "Café de Paris", en face du "Ponty" |
J'ai été par ailleurs agréablement surpris de voir à Dakar des buildings de plus de dix étages, une ville ordonnée avec des rues tracées au cordeau.
La place Protet
Parmi les différences constatées, il y avait enfin la clientèle avec laquelle j'allais travailler. Si en Centrafrique et au Congo, je vendais mes produits à des importateurs Portugais, au Cameroun à des Grecs, le Sénégal était le fief des Libanais qui faisaient des affaires dans le commerce, l’import-export, le bois, les plantations, le transport, l’industrie et toutes activités lucratives.
Dans les années soixante, "libanais" était souvent synonyme de réussite sociale. Il n’était pas question d’origine ni de nationalité. C’était considéré comme un métier.
- Qu’est-ce que tu fais dans la vie ?
- Libanais…
Mais tous les natifs du pays du cèdre n’avaient pas fait fortune au Sénégal. Ainsi, à Dakar ils étaient nombreux à vivoter dans des échoppes miteuses de la rue Galandou Diouf (ex rue de Thiès). Ceux-là étaient souvent des musulmans chiites que certains ex-coloniaux affectaient de mépriser en les qualifiant de "Syriens" ou plus péjorativement de "Syraks".
Les Libanais qui avaient réussi étaient plutôt des chrétiens maronites. Ils avaient fréquemment la double, voire triple nationalité libanaise, sénégalaise et française. Certains, grâce à leur goût plusieurs fois millénaire des affaires, possédaient de solides entreprises, tels les Ets. Said Noujaim ou Nadra Filfili.
Musulmans ou maronites, gagne-petits ou parvenus, les Libano-Syriens de Dakar s'entredéchiraient souvent mais se soutenaient contre les grandes sociétés commerciales, SCOA, CFAO. Nosoco, Aredi, Séchoy ou Printania.
Lors de ce premier séjour, je suis resté un mois au Sénégal, le pays étant à l'époque le plus gros importateur de lait concentré non sucré Bonnet Rouge de toute l'Afrique francophone.
Par la suite, je reviendrai régulièrement à Dakar et logerai à N'gor où il y avait, en bordure de mer, un majestueux et ultra-moderne hôtel appartenant à la chaîne des Relais Aériens Français.
Dakar, la Poste |
Dakar, le marché de Sandaga |
Taxi-brousse |
La route des baobabs |
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C’est encore à Dakar que j’ai entendu pour la première fois un certain Salvatore Adamo que j’avais d’abord pris pour une fille avec sa drôle de voix.
Il fallait décidément que je vienne en Afrique pour me tenir informé des nouveautés musicales...
Souvenir d'un méchoui à Yoff en février1965 |